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Les dirigeants de l’Union européenne approuvent le traité de Lisbonne

Par Stefan Steinberg
17 novembre 2007

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Les dirigeants des 27 Etats de l’Union européenne (UE) se sont rencontrés à Lisbonne le 18 octobre pour ratifier un « traité de réforme » pro-business. Le traité devrait prendre effet en 2009.

L’accord est la dernière étape d’un effort prolongé effectué par les dirigeants européens pour pousser en avant un traité visant à accroître les pouvoirs de la bureaucratie communautaire non élue de Bruxelles et à permettre à l’UE d’étendre son influence sur la scène mondiale en tant que principal bloc commercial, politique et militaire.

Le traité approuvé à Lisbonne trouve son origine dans le Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE) qui fut d’abord rédigé à Rome fin 2004. Le but avéré du traité de Rome avait été de ratifier la centralisation des institutions de l’UE sous la forme d’une constitution paneuropéenne qui créerait les meilleures conditions à la dérégulation des économies à travers l’Europe entière dans l’intérêt du patronat et des banques. Il était le produit d’un processus qui avait débuté avec la signature du Traité de Maastricht en 1992.

Un certain nombre d’Etats communautaires ont ratifié le Traité constitutionnel européen par une procédure parlementaire nationale, mais, lorsque le document fut publié et soumis à des référendums populaires en été 2005 dans deux pays membres de longue date de la communauté européenne, la France et les Pays-Bas, il fut rejeté par une importante majorité de la population en dépit du fait qu’une énorme campagne politique et médiatique avait été faite en sa faveur.

En France, le président de l’époque, Jacques Chirac, avait fait imprimer des millions de copies du traité pour les envoyer par la poste à la plupart des ménages. Dans le débat qui s’ensuivit, il devint évident que le traité n’était rien moins qu’un manifeste néo-libéral pour améliorer les bilans des principales entreprises et banques européennes aux dépens des acquis sociaux, des salaires et des conditions de travail de la grande majorité de la population européenne. Au moment du vote, les électeurs français rejetèrent définitivement le document. Quelques jours plus tard, ce processus fut répété aux Pays-Bas.

La plus importante décision prise par les dirigeants européens à Lisbonne fut d’éviter que la débâcle de 2005 ne se répète. Le nouveau « mini traité » européen ne sera pas présenté à l’électorat. Cette fois-ci, la ratification du document sera limitée aux votes dans les parlements nationaux, à l’exception de l’Irlande qui a promis d’organiser un référendum populaire.

Depuis 2005, les dirigeants européens se sont rencontrés à plusieurs reprises dans le but de remanier le document initial. En juin de cette année, les chefs de gouvernement de l’UE se sont rassemblés durant 34 heures sous la présidence allemande afin de discuter de la sortie d’un document revu qui en fait ne contient qu’un petit nombre de changements superficiels.

Suite à la proposition faite par le président Nicolas Sarkozy, le traité approuvé à Lisbonne ne portera plus le titre de constitution et les propositions de drapeau et d’hymne européens ont été éliminées. Néanmoins, l’orientation pro-business et néo-libérale du document demeure en essence inchangée.

Selon le magazine britannique The Economist : « Le document est identique à la constitution avec seulement l’élimination du préambule surchargé et des mesures symboliques, telles le drapeau et l’hymne. »

Avant le sommet de Lisbonne, un certain nombre de pays européens avaient fait valoir des différences avec le document proposé.

L’Italie avait exigé d’avoir plus d’influence dans le Parlement européen, le président Romano Prodi insistant pour que la répartition des sièges d’eurodéputés soit de 73 sièges au lieu de 72 dans un parlement réduit (autrement dit, la même représentation que la Grande-Bretagne).

La Pologne qui avait dérangé les discussions en juin de par une campagne de propagande montée contre son voisin, l’Allemagne, a insisté à Lisbonne sur la soi-disant clause du « compromis de Ioannina » visant à empêcher que des puissances majeures telles l’Allemagne, la France et l’Italie ne dominent l’ordre du jour européen.

L’Autriche a exigé la suspension des poursuites pénales de l’UE en raison de ses restrictions d’admission d’étudiants issus d’autres pays communautaires et la Bulgarie a fait savoir qu’elle n’accepterait la monnaie européenne qu’à la condition que le mot « euro » soit remplacé dans les documents juridiques par la version bulgare « evro ».

En dépit de la prolifération des revendications, dont certaines étaient tout à fait insignifiantes, avancées par nombre d’Etats membres, les chefs d’Etat présents furent en mesure d’arriver à un compromis en un laps de temps relativement court de sept heures de négociation. Il était évident qu’il y avait accord sur l’orientation fondamentale du traité.

Le Traité de Réforme couvrant 259 pages et comptant 49.000 mots contient douze protocoles et plusieurs douzaines de déclarations ayant une valeur juridique sous la loi européenne. Il est improbable que les députés, qui ont voté le document, le liront jamais attentivement et dans son ensemble dans les mois et les années à venir.

Tout comme son prédécesseur, le nouveau document souligne la nécessité d’accélérer le processus de « libéralisation » en Europe.

L’article 188c appelle à « l’uniformisation des mesures de libéralisation », qui laisse supposer que le taux de privatisation de par l’Europe devrait se baser sur le rythme adopté par l’économie communautaire se « libéralisant » le plus rapidement.

Le protocole 6 du « mini traité » stipule que « le marché intérieur, tel qu’il est défini à l’article 1-3 du traité sur l’Union européenne (TUE) » doit être basé sur un système garantissant « que la concurrence n’est pas faussée ». Le traité poursuit en autorisant l’UE à prendre des mesures afin de mettre fin à ces « distorsions. »

Une autre stimulation tendancieuse néo-libérale du document est contenue dans l’article 188b qui stipule que l’UE « contribue à la suppression progressive des restrictions aux échanges et aux investissements étrangers directs ainsi qu’à la réduction des barrières douanières. »

L’orientation pro-business du document destiné à créer les meilleures conditions de marché pour les entreprises multinationales européennes, dont les intérêts sont représentés à Bruxelles par 15.000 lobbyistes professionnels, a été résumée dans un commentaire du EU Observer. La publication écrit : « La commission européenne se met à l’œuvre pour réitérer son message clé selon lequel dans une économie mondiale "le libre-échange n’est pas une voie à sens unique". » En d’autres termes, l’Europe prendra toutes les mesures nécessaires pour garantir que les entreprises européennes peuvent rivaliser avec des concurrents aux salaires aussi bas qu’en Inde et en Chine.

En plus de son adhésion à l’économie de « libre marché », l’accord de Lisbonne maintient d’autres aspects essentiels du document originel de la constitution en conférant au Parlement européen et à la Commission européenne (cette dernière étant un organe non élu et dont les membres sont nommés) de nouveaux pouvoirs pour faire avancer la politique.

Un nouveau règlement de vote a été adopté permettant de prendre des décisions à la majorité au lieu qu’elles soient prises à l’unanimité et un pouvoir exécutif communautaire plus petit pour surmonter tout éventuel blocage de la prise de décision. De plus, le parlement européen sera ramené à 750 membres (au lieu des 785 membres actuels) et une clause de sortie est introduite permettant aux Etats membres qui le souhaitent de quitter l’UE. Suite aux objections de la Pologne et de la Grande-Bretagne, les deux pays sont exempts de toute obligation juridique relative à la Charte des droits fondamentaux de l’UE.

L’un des aspects particulièrement significatifs du « mini Traité » est l’accent qu’il met sur le développement d’une politique étrangère et militaire efficace pour l’Union européenne. Des pays européens tels la Grande-Bretagne, l’Allemagne, la France et l’Italie interviennent d’ores et déjà dans des opérations sur un nombre de fronts militaires internationaux, y compris l’Afghanistan, l’Afrique et le Liban et, dans le cas de la Grande-Bretagne, l’Irak.

Dans tous ces pays, les débats portent sur la meilleure manière d’arriver à une plus grande indépendance des Etats-Unis et de l’OTAN dans la poursuite des objectifs militaires. Le document de Lisbonne répond à cette question en appelant toutes les nations européennes à renforcer leurs efforts par la création d’une force militaire efficace tout en augmentant la coopération dans la soi-disant « guerre contre le terrorisme. » Le document montre clairement que les nations européennes doivent accorder la priorité à l’augmentation de leurs budgets militaires, une proposition qui signifie inévitablement de démanteler davantage encore le système du service social européen.

Un nouveau bureau européen sera créé ayant pour vocation la poursuite d’une politique étrangère européenne indépendante. Une fusion des fonctions existantes de chef de la politique étrangère et de commissaire aux relations extérieures de l’UE aura lieu pour créer un « haut représentant » européen dont la responsabilité sera de définir les directives de la politique étrangère communautaire.

Alors que les dirigeants européens et la plupart des médias ont cherché à présenter l’accord de Lisbonne comme un « progrès décisif » et un triomphe pour la démocratie, c’est le contraire qui est le cas. Suite au rejet par des sections significatives de la population européenne, les dirigeants de l’UE essaient de réintroduire en essence le même traité par la petite porte.

La rapidité avec laquelle les dirigeants européens sont tombés d’accord à Lisbonne montre que les divisions fondamentales au sein de l’Europe ont un caractère de classe plutôt que national. Les chefs des Etats communautaires couvrant l’éventail de la politique officielle étaient tous unis quant à la nécessité de construire une UE basée sur les principes de « libre marché. » Dans le même temps, davantage de pouvoir sera attribué aux institutions européennes non élues dans le but d’appliquer l’ordre du jour pro-business en dépit de la résistance populaire grandissante.

L’accord conclu à Lisbonne ne contribuera toutefois que très peu à surmonter les conflits existant entre les bourgeoisies rivales ou à faire développer l’Europe en tant que puissance politique indépendante.

Dans les deux principaux Etats, les élections de dirigeants, Angela Merkel en Allemagne et Nicolas Sarkozy en France, qui favorisent des liens plus étroits avec les Etats-Unis agissent comme un véritable frein à la poussée vers le développement du statut de l’Europe en tant que puissance mondiale. Alors que la centralisation du pouvoir contenue dans le « mini traité » crée de nouvelles possibilités pour les deux puissances d’avancer la soi-disant Europe à deux vitesses dirigée par la France et l’Allemagne, les deux pays se sont trouvés ces derniers mois en désaccord sur un grand nombre d’importantes questions économiques et politiques.

L’Italie est minée par des crises politiques continues et un gouvernement de coalition fragile et en Grande-Bretagne, le nouveau premier ministre, Gordon Brown, subit la pression du patronat et des médias ainsi que de l’opposition conservatrice, d’organiser un référendum sur le nouveau traité. Bien que la politique d’usage des travaillistes soit de tenir un référendum sur le traité constitutionnel de l’UE, Brown affirme qu’une telle promesse n’est plus applicable étant donné que le nouveau document ne se réfère plus à une constitution.

Certains commentateurs ont attiré l’attention sur les problèmes qui sont encore non résolus après l’accord de Lisbonne. Ecrivant dans le journal Süddeutsche Zeitung, Martin Winter accueille favorablement la concentration du pouvoir à Bruxelles et l’accent mis sur la politique extérieure, mais déclare qu’une vue d’ensemble pour l’Europe fait défaut.

Winter préconise une collaboration plus étroite entre la France et l’Allemagne afin de faire avancer le projet européen et souligne que davantage de mesures politiques et militaires sont nécessaires si l’Europe tient à défier sérieusement le rôle dominant des Etats-Unis. Il écrit : « Ce n’est que lorsque les Européens commencent non seulement à critiquer la manière américaine de traiter les crises et la menace du terrorisme, mais commencent à appliquer leur propre modèle impliquant une intégration de la diplomatie et des instruments militaires et civils qu’ils acquerront l’autorité mondiale dont ils ont longtemps rêvé.»

 

 

 

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